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Si seule

samedi 4 novembre 2006, par damejane



- Jaïna pleure en silence. Son cœur saigne et personne ne le sait. Pourtant, elle est pleine de vie. Quand elle marche dans la rue, elle a l’impression que personne ne la voit.

- Pourtant, elle a beaucoup d’amis et elle aime rire, et sourit facilement. A son travail, elle est appréciée pour son honnêteté, son dynamisme, sa rigueur ainsi que sa droiture. Elle est d’une grande sensibilité à ce qui l’entoure, à la vie du monde, à la beauté, mais surtout à la nature. Serviable et aimant faire plaisir aux autres, elle se sent malgré tout inutile .

- Elle trouve la vie si dure, si cruelle, si pleines de jalousies, de mesquineries, de manipulations, d’avidité, d’injustices que, par sa sensibilité à fleur de peau, cela lui est de plus en plus insupportable. Elle ressent si bien les choses autour d’elle. Elle peut même s’y identifier. Aussi loin qu’il lui souvienne quand elle entoure un arbre de ses deux petits bras, elle devient l’arbre. Quand elle croise une personne au cœur sombre, malgré qu’elle ait perçu la noirceur, elle s’identifie à celle-ci, ayant la capacité d’être l’autre, tout en restant elle-même.

- Elle se demande ce qui ne va pas chez elle, sent qu’il lui manque quelque chose de précieux au fond d’elle. Elle est dans une telle désespérance qu’elle pense au suicide. A force d’expérimenter tant et tant de choses nouvelles, (dont les épreuves mauvaises par lesquelles elle cherche à puiser les cotés positifs), et tous les bons aspects de sa si "petite" vie, rien n’y fait. Elle a une tristesse au fond d’elle doublée d’un sentiment de solitude qu’elle n’arrive pas à combler. Elle s’essouffle, manque d’air, et cherche son chemin.
- Elle pleure encore et encore dans son cœur, lançant des cris de désespoir tournés vers le ciel :

- je ne sers à rien !
- je me sens inutile !
- je souffre !
- j’ai peur !
- tout ce que fais dans la vie ne me rassasie pas !
- pourquoi suis-je sur cette terre ?

- Pour Jaïna c’est une véritable errance, longue, si longue errance qu’elle se sent perdue dans un désert. Puis arrive un jour ou elle décide de partir à grands pas, une fois de plus à la montagne, ce qu’elle faisait souvent.

- C’est un jour d’été caniculaire. Cela ne l’arrête pas. Elle est fermement décidée. Il lui faut absolument gravir la montagne. C’est long, pénible, douloureux, elle souffre de soif, de chaleur. Pourtant, elle a de l’eau sur elle pour boire. Elle marche, marche, marche, avec patience et persévérance comme si sa vie en dépendait.

- Le lieu est magnifique, réservant à chaque contour des beautés naturelles sous des éclairages jouant à cache cache avec les ombres des roches ou des grands arbres. Par endroits, les chemins sont bordés de fleurs dont une espèce rare ressemblant à une tulipe verte qui a la tête courbée comme une clochette.

- Enfin, elle arrive au bout du sentier balisé. Il y a là une toute petite chapelle orthodoxe surplombant une chaîne montagneuse, entretenue par une sœur ermite vivant un peu plus loin dans la montagne. Construite en bois, dotée d’une minuscule cour sans toit et d’une seule petite pièce, elle a véritablement beaucoup de charme. L’endroit est accueillant, le mobilier est réduit à sa plus simple expression. Une petite icône est posée en évidence, quelques images rappelant la piété avec un petit rondin de bois, en guise de siège, pour le visiteur. Un cahier à l’attention du passant a été déposé sur une sorte de pupitre à l’entrée. On peut y lire de très jolies pensées.

- Jaïna est épuisée. Elle pense qu’elle est à bout, et au bout de tout ce qu’elle s’est jamais crue capable d’endurer. C’est une véritable crise entre elle et elle. Elle sort de la petite chapelle, la contourne, s’y adosse en s’écroulant assise, le regard tourné sur la vallée et les chaînes de montagne formant un cercle donnant l’impression d’être au bout d’un monde.

- Alors, avec un dernier sursaut elle espère encore. Elle s’abandonne complètement n’offrant plus aucune résistance, vaincue à elle même. Elle lève les yeux vers ce ciel si limpide et brillant. Elle s’adresse à son Dieu, lui ouvrant son cœur : Mon DIEU, et vous les Anges, abaissez votre regard vers moi. Je vous livre mon désespoir, aidez-moi, je suis comme un petit enfant se livrant à vous. J’ai tout essayé, et je ne vois toujours pas clair dans ma vie. Je ne veux pas retourner en arrière, le prix est trop cher.

- Entendez mon appel. Voyez comme je suis sincère, désireuse de trouver un sens à ma misérable vie, j’implore votre bienveillance. Je vous supplie de m’aider.

- Jaïna finit par se taire, elle regarde autour d’elle. Tout lui paraît d’un calme et d’une beauté si simple. Elle se laisse inonder le cœur du bienfait que cela procure. Sa vision se transforme, les couleurs de la nature sont plus éclatantes, les senteurs plus vives, le vent plus vivant, la lumière plus lumineuse. Jaïna sent cette lumière sur elle, elle la voit brillante, blanche chaude, merveilleuse, la submergeant comme une immense vague dont le flot serait continu balayant toutes ses souffrances.

- Il n’y a plus de plaies, plus de peur, plus de tristesse. Elle s’éveille à elle même et au véritable amour qui est du plus pur des plus purs des nectars, comme le plus beau des diamants. Son cœur s’est entrouvert par la lumière de son âme qui lui a permi d’entrevoir la flamme, le germe de l’amour de Dieu.

- Jaïna comprend que ce qui lui arrive est la réponse à sa prière. Elle sait maintenant qu’elle n’a jamais été seule, mais toujours en la meilleure compagnie, la plus proche qui soit, et la plus fidèle.

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